« À mon avis, ils ont peut-être perdu une bataille
mais sûrement pas la guerre... » Il est près de midi, hier. Michel
Montécot, le maire de Niafles, dans le sud de la Mayenne, vient d'apprendre par
les gendarmes que le « déménagement » est en cours et qu'il va pouvoir récupérer
les clés de « son » église, occupée depuis presque un mois par des fidèles
traditionalistes du rite de Saint-Pie V. Le magistrat s'éclipse alors une minute
pour annoncer à ses administrés et aux habitants des communes voisines, venus en
soutien, le dénouement d'une longue matinée de protestation. De bruyants
applaudissements retentissent, des cris de joie fusent.
Michel Montécot, quant à lui, se contente d'un optimisme autrement plus
modéré :
« Ça fait vingt-deux ans que je les côtoie, je commence à les
connaître. Cela fait un mois qu'ils occupent l'église, mais c'est tendu depuis
le décès de l'abbé Chéhère et je suis loin d'être convaincu qu'ils s'en
tiendront là. Aujourd'hui [hier],
j'avais demandé que tout se passe le
plus pacifiquement possible de façon à ne pas répondre aux provocations. Mais le
risque, s'ils reviennent, c'est que ce mot d'ordre soit plus difficile à faire
appliquer. Je suis vraiment fatigué de cette situation... »
Le son de cloche, évidemment, n'est absolument pas le même de l'autre
côté de la porte. Dominique, l'une des occupantes de l'église au moment de la
manifestation extérieure, assure, d'une part, que les traditionalistes
«
n'envisagent pas du tout de réinvestir les lieux, mais plutôt de trouver une
autre église dans le Sud-Mayenne qui veuille bien [les]
accueillir
» et, d'autre part, qu'ils n'ont pas provoqué les quelques
«
bousculades » du début de matinée.
« Heureusement que les gendarmes étaient là, assure-t-elle,
car on faisait face à des gens pleins de haine. Il y avait des familles avec
enfants, j'ai eu la peur de ma vie lorsque la porte de la sacristie a été
détruite. Tout le monde a très mal vécu ce qui, pour nous, a été une véritable
profanation d'un lieu sacré. Ce qu'il aurait fallu que nous fassions, en fait,
c'est ouvrir grand les portes. Même si je ne sais pas si cela aurait suffi à
calmer la situation... » En ce qui concerne l'accueil réservé aux
Niaflais lors des brefs affrontements évoqués, Dominique ajoute :
«
Les manches de pioche étaient destinés à barricader les portes. Quant aux
coups de poing, il fallait bien se défendre. »
N'insistant pas sur ces incidents
« pour ne pas envenimer
les choses », Jean-Claude, un résidant du village, explique
simplement les raisons du mouvement, né mercredi soir dans les esprits de
plusieurs dizaines de personnes :
« C'est une grosse réaction de
ras-le-bol. Il y a beaucoup d'anciens, ou simplement de catholiques, qui veulent
se rendre à l'église, prier, brûler un cierge et qui ne le peuvent pas. On ne
peut plus célébrer de baptêmes, de sépultures. Des mariages aussi ont été
refusés, ça suffit. » D'autres souhaitent revenir à
« une
vie paroissiale normale », pas aussi
« intransigeante
»,
« intolérante » que celle qu'ils ont pu
connaître.
Bref, aucun terrain d'entente n'est envisageable entre les deux parties.
Tout n'est que partiellement résolu, mais l'apaisement des tensions est au bout
du chemin.
« Je ne souhaite qu'une chose désormais, termine Michel
Montécot
: remettre les clefs à l'évêché. C'est à lui de régler cette
affaire. » Mgr Maillard risque d'avoir encore pas mal de travail...
Fanny ROCA.